Suis-je un bon parent ?

Autrices : Élise Villeneuve, Alison Paradis, Ph. D., Natacha Godbout, Ph. D.

Se sentir efficace comme parent lorsqu’on a manqué de soutien et d’attention en enfance.

« J’ai peur de ne pas savoir te réconforter quand tu pleures. J’ai peur de manquer de patience avec toi. J’ai peur de faire des erreurs et de ne pas faire la bonne chose pour m’occuper de toi. J’ai peur d’être un mauvais parent. »

L’arrivée d’un·e nouvel·le enfant est un événement qui peut être à la fois source de bonheur et de stress, ou, pour certains parents, de peur de ne pas être à la hauteur. Devant les besoins constants des jeunes enfants, en plus des commentaires des proches, des nombreuses normes prescrites dans les guides remis aux futurs parents (par exemple, Mieux vivre avec notre enfant) et des idéaux sur la famille parfaite véhiculés dans les médias, certains parents peinent à se percevoir compétents ou efficaces dans leur rôle. Ils sont hantés par la fameuse question : « suis-je un bon parent? ». 

Ces questionnements réfèrent au sentiment d’efficacité parentale, c’est-à-dire à la confiance du parent en ses habiletés à répondre aux besoins de son enfant (Hess, Teti, & Hussey-Gardner, 2004). Ce sentiment est important; il influence les comportements des parents, favorise une bonne adaptation dans leur rôle, ainsi que des relations saines avec l’enfant, l’autre parent et l’entourage (Caldwell, Shaver, Li, & Minzenberg, 2011). 

Le sentiment d’efficacité parentale est influencé par les expériences en enfance du parent. En effet, dès l’enfance, chacun⋅e construit une image de ce qu’est un parent et comment iel doit agir, en observant ses propres figures parentales (Caldwell et al., 2011). Comme elles n’ont pas eu accès à des modèles parentaux continuellement sensibles, affectueux et soucieux, les personnes ayant vécu des traumas durant leur enfance peuvent, une fois adultes, manquer de repères face aux comportements à adopter avec leur enfant. Les survivant⋅e⋅s de traumas en enfance peuvent se sentir perdu⋅e⋅s et se percevoir comme des « mauvais parents ». Iels seraient ainsi plus enclin·e·s à douter de leurs habiletés parentales.

Consciente de ces réalités, notre équipe du Projet couples parentaux a mené une étude auprès de 871 couples de parents de jeunes enfants pour documenter le lien entre la négligence psychologique et le sentiment d’efficacité parentale. Nous avons aussi examiné comment le vécu d’un parent peut influencer les perceptions de l’autre parent. 

Dans le cadre de ce projet, notre équipe s’est intéressée à une forme insidieuse et peu visible de trauma interpersonnel en enfance, la négligence psychologique. Celle-ci réfère au manque de comportements permettant d’assurer le bien-être psychologique de l’enfant (par exemple, manque d’affection, de soutien, d’attention) (Leeb, Lewis, & Zolotor, 2011). Pensons, par exemple, à une figure parentale qui n’est pas apte :

  • à soutenir l’estime de soi de son enfant (tel que de ne pas féliciter l’enfant pour ses accomplissements); 

  • à faire sentir son enfant en sécurité (comme ne pas réconforter son enfant qui a peur ou qui est en crise); 

  • et à faire sentir son enfant digne d’amour (par exemple, ne pas faire en sorte que l’enfant ressente que sa figure parentale l’aime, est fière et l’accepte). 

Par sa nature, la négligence psychologique est difficile à identifier et est surtout repérée par l’observation de ses conséquences (par exemple, par un·e professionnel·le lors d’un suivi psychosocial pour difficultés psychologiques). Elle est, en effet, associée à des effets négatifs sur plusieurs aspects du développement des enfants – aux niveaux émotionnel, social, cognitif, comportemental (Maguire et al., 2015) – et à des effets dévastateurs à l’âge adulte, incluant des difficultés à développer et à maintenir des relations, de la solitude, de l’isolement social et une faible estime de soi (Bigras, Bosisio, Daspe, & Godbout, 2020). 

Les résultats de notre étude suggèrent que le vécu de négligence psychologique d’un parent durant son enfance est lié à un plus faible sentiment d’efficacité parentale à l’âge adulte. Pour mieux illustrer nos résultats, prenons le cas de Laurie qui est une survivante de négligence psychologique : 

Lorsque Laurie était enfant, ses parents étaient peu présents pour elle, et elle ne recevait malheureusement pas le soutien, l’écoute ou les encouragements primordiaux au développement de sa confiance en elle. Laurie est maintenant maman d’un bébé de trois mois. Elle n’est pas certaine de pouvoir identifier pourquoi son bébé pleure et croit qu’elle n’est pas la meilleure personne pour réconforter son bébé. Le manque de confiance de Laurie envers ses compétences parentales semble lié à son manque d’interactions avec ses parents. Elle réalise qu’elle n’a pas eu de modèle de parents qui répondaient à ses besoins affectifs. À son tour, elle a de la difficulté à évaluer si elle adopte les bons comportements pour réconforter son enfant. Elle doute de ses habiletés parentales, peu importe si elle semble faire la bonne chose ou non.

 
La majorité des parents accueillent leur enfant avec un autre parent. Mettant à profit l’expertise complémentaire de notre équipe auprès des partenaires intimes et connaissant l’importance des influences mutuelles au sein d’une relation intime, nous nous sommes également demandé si le vécu de négligence psychologique d’un parent est associé au sentiment d’efficacité parentale de l’autre partenaire, et vice versa. Nos résultats suggèrent que le vécu de négligence psychologique d’un parent est lié non seulement à son propre sentiment d’efficacité parentale, mais aussi à celui de son⋅sa partenaire. 

Reprenons le cas de Laurie, mais cette fois, considérons également l’expérience de son conjoint, Mathieu : 

Mathieu n’a pas vécu de négligence durant l’enfance. Comme la majorité des parents, Mathieu éprouve parfois des doutes sur ses compétences de père. Du côté de Laurie, les expériences de négligence psychologique qu’elle a vécues l’ont fragilisée. Elle se sent aujourd’hui peu outillée et confiante dans son rôle de mère et dans ses interactions comme coparent avec Mathieu. Laurie et Mathieu éprouvent chacun⋅e des difficultés à faire sentir à leur partenaire qu’iel fait bien les choses et est un bon parent. En retour, Laurie et Mathieu, sans la validation et la confiance de leur partenaire, se sentent aussi moins efficaces comme parents. Ainsi, même si Mathieu n’a pas vécu de négligence psychologique, les répercussions du manque d’amour et de soutien vécues par Laurie alors qu’elle était enfant l’affectent lui aussi. 

À tous les parents, sachez qu’il est normal de douter de ses compétences par moments. Il est important de se rappeler qu’être parent ne vient pas avec un manuel d’instructions. Rappelez-vous qu’un parent est un être humain avec ses qualités et ses défauts. 
Si vous éprouvez des difficultés à vous percevoir compétent comme parent : 

  • N’hésitez pas à en parler et à chercher de l’aide. Parlez avec vos proches, à d’autres parents ou à des professionnel⋅le⋅s. Mettre des mots sur vos préoccupations peut vous aider à prendre du recul. Cela rappelle qu’il est normal de parfois douter et d’éprouver des difficultés et peut vous aider à vous sentir plus confiant⋅e dans votre rôle de parent. 

  • N’hésitez pas à vous informer et à normaliser votre expérience, c’est-à-dire de comprendre que vous n’êtes pas seul⋅e à vivre les défis de la parentalité. N’ayez pas honte de vos propres émotions ou de celles de votre enfant. 

  • Rappelez-vous que votre enfant n'a pas de contrôle sur l'intensité de ses émotions et que tous les parents sont confrontés aux débordements d'émotions de leur enfant. Ça fait partie du développement normal des enfants, même si vous pouvez vous sentir parfois impuissant⋅e ou dépassé⋅e!

  • Si possible, tournez-vous vers l’autre parent et/ou votre partenaire, qui est généralement bien placé.e pour vous soutenir dans les soins à l’enfant et dans votre vécu. 

  • Enfin, sachez qu’il existe plusieurs ressources pour vous aider à vous sentir plus compétent comme parent. Ci-dessous, vous trouverez une liste de ressources pouvant répondre à vos besoins. 

 

Ressources générales pour les parents

Info-Social ou Info-Santé :

24h/24, 7 jours
Info-Santé (option 1) ou Info-Social (option 2) 811 est un service de consultation téléphonique gratuit et confidentiel. Les intervenant⋅e⋅s peuvent, au besoin, vous référer vers une ressource appropriée dans le réseau de la santé et des services sociaux ou une ressource communautaire.

LigneParents :

24h/24, 7 jours 
Service par des intervenant⋅e⋅s professionne⋅le⋅ls spécialisé⋅e⋅s dans la relation parents-enfants.
Service téléphonique (1 800 361-5085) et clavardage en ligne

Première ressource :

lundi au vendredi, de 8h à 17h
Un service anonyme et gratuit de consultation professionnelle concernant l’éducation et les relations parents-enfants.
Service téléphonique 514 525-2573
Sans frais (région) 1 866 329-4223

Avant tout les enfants :

Organisme offrant des services et conseils juridiques professionnels, une banque de ressources communautaires, des sessions d’information et une ligne d’écoute téléphonique pour les personnes vivant des problèmes familiaux.
Montréal 514 593-4303
Sans frais (région) 1 800 361-8453

Le Réseau pour un Québec Famille :  

Le Réseau pour un Québec Famille est un organisme à but non lucratif regroupant des organismes nationaux soucieux de la situation des familles québécoises. Leur site internet permet de découvrir les Maisons de la famille de votre région.

Institut National de la Santé Publique du Québec :

Listes avec des liens vers des associations, des organismes et des groupes de soutien du Québec qui peuvent aider les parents (banques alimentaires du Québec, ressources à la petite enfance, soutien lors d’un deuil périnatal, etc.).

Ressources éducatives

Devenir parent – Gouvernement du Québec :

Guide offrant une vue d’ensemble des programmes et services gouvernementaux offerts aux nouveaux ou aux futurs parents.

Le Bébé - Gouvernement du Québec (INSPQ) :

Guide qui comprend des informations sur les différentes caractéristiques du nouveau-né, les façons de communiquer, le sommeil et le développement de l’enfant.

Société canadienne de pédiatrie – Soins de nos enfants :

Site offrant de l’information donnée par des pédiatres canadiens sur la santé et le bien-être des enfants et adolescent⋅e⋅s.

ÉducoFamille :

Site publiant des articles et des ressources basés sur la science pour les parents et les familles.

Bigras, N., Bosisio, M., Daspe, M.-È., & Godbout, N. (2020). Who Am I and What Do I Need? Identity Difficulties as a Mechanism of the Link Between Childhood Neglect and Adult Sexual Disturbances. International Journal of Sexual Health, 32(3), 267‑281. https://doi.org/10.1080/19317611.2020.1796881

Caldwell, J. G., Shaver, P. R., Li, C.-S., & Minzenberg, M. J. (2011). Childhood Maltreatment, Adult Attachment, and Depression as Predictors of Parental Self-Efficacy in At-Risk Mothers. Journal of Aggression, Maltreatment & Trauma, 20(6), 595‑616.

Hess, C. R., Teti, D. M., & Hussey-Gardner, B. (2004). Self-efficacy and parenting of high-risk infants : The moderating role of parent knowledge of infant development. Journal of Applied Developmental Psychology, 25(4), 423‑437. https://doi.org/10.1016/j.appdev.2004.06.002

Leeb, R. T., Lewis, T., & Zolotor, A. J. (2011). A Review of Physical and Mental Health Consequences of Child Abuse and Neglect and Implications for Practice. American Journal of Lifestyle Medicine, 5(5), 454‑468. https://doi.org/10.1177/1559827611410266

Maguire, S. A., Williams, B., Naughton, A. M., Cowley, L. E., Tempest, V., Mann, M. K., Teague, M., & Kemp, A. M. (2015). A systematic review of the emotional, behavioural and cognitive features exhibited by school-aged children experiencing neglect or emotional abuse. Child: Care, Health and Development, 41(5), 641‑653. https://doi.org/10.1111/cch.12227

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